Les chiffres de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) indiquent que le nombre de Belges qui restent chez eux durant plus d’un an en raison d’un burn-out ou d’une dépression a augmenté de plus de 40 % en quatre ans.
En 2021, 117 452 travailleurs, indépendants et chômeurs belges étaient concernés sur un total de 485 000 invalides. Une étude du groupe de services de ressources humaines Liantis indique que 69 % des indépendants interrogés ressentent régulièrement voire constamment du stress. Ce chiffre s’élève même à 89 % parmi les 18-30 ans.
En principe, lorsque les travailleurs sont absents pour maladie, l’intégralité de leur rémunération leur est versée par leur employeur au cours du premier mois. Ils tombent ensuite à 60 % d’un salaire brut plafonné, payé par la sécurité sociale. C’est pourquoi les employeurs souscrivent bien souvent une assurance (collective) revenu garanti, afin que l’allocation atteigne maximum 80 % du revenu brut.
Il n’est pas rare que ces assurances revenu garanti prévoient une limitation de garantie pour les affections psychiques. En d’autres termes, si un travailleur est en incapacité de travail en raison d’une affection psychique, son allocation est limitée dans le temps (généralement, deux ans). Certains assureurs vont même jusqu’à exclure certaines affections psychiques de toute couverture.
Cette pratique courante dans le secteur des assurances a été tranchée, au cours des deux dernières années, dans le cadre d’un litige entre un assuré et son assureur, aussi bien par le tribunal du travail que par la cour du travail en appel.
En 2016, un travailleur se retrouve en arrêt de travail en raison d’une dépression. La personne avait gardé des traumatismes de sa jeunesse difficile. Si elle a pu fonctionner dans un premier temps, elle s’est effondrée quelques années plus tard. Un examen psychiatrique a confirmé le diagnostic et l’expert a déclaré la personne en incapacité de travail à 100 %.
Le travailleur disposait d’une assurance revenu garanti via son employeur, mais après deux ans de maladie, plus rien ne lui a été payé par l’assureur. Le contrat d’assurance revenu garanti limitait, en effet, la garantie dans le temps en cas de troubles psychiques. Le travailleur n’était pas d’accord avec cette limitation et, dans l’arrêt du 13 décembre 2023, la cour du travail d’Anvers a décidé qu’une telle limitation de garantie applicable aux troubles psychiques, mais pas à d’autres maladies ou affections, était contraire à la loi antidiscrimination. La cour du travail a constaté que la distinction opérée par la police sur la base de l’état de santé psychique de ses assurés n’était pas justifiée et a déclaré nulle la limitation de garantie reprise dans les conditions générales. Ce faisant, la cour du travail a confirmé le jugement antérieur du tribunal du travail d’Anvers, division de Malines, du 11 janvier 2022.
Cet arrêt pourrait bien avoir d’importantes conséquences pour le secteur des assurances.
Bien que les limitations de garantie pour les affections psychiques soient actuellement courantes dans les assurances revenu garanti et qu’il existe probablement des arguments statistiques, médicaux et scientifiques pouvant justifier une limitation dans le temps voire même une exclusion de certaines affections psychiques, la cour du travail d’Anvers a rejeté les arguments juridiques invoqués pour défendre une telle limitation de garantie. Opérer une distinction entre les affections psychiques et physiques dans une assurance revenu garanti est donc de plus en plus risqué à la lumière de la législation antidiscrimination.
Un groupe de travail a été créé au sein d’Assuralia, afin de permettre au secteur de se pencher sur la question.
Les assureurs devront tenir compte des arguments avancés dans l’arrêt pour examiner si les conditions actuelles doivent ou non être adaptées. Il n’est pas exclu que, dans un avenir proche, de nouvelles affaires soient portées devant la justice.